Un demi-million de voix pour le FN dans la région
Dans la région Nord-Pas-de-Calais, ce sont au total plus d’un demi-million de personnes qui ont voté pour la candidate du Front National au premier tour des élections présidentielles. Cela représente une personne sur cinq en age d’aller voter.
C’est énorme. Marine Le Pen a ainsi gagné plus de 180 000 voix par rapport à son père lors de l’élection présidentielle de 2007. Cette percée du Front National est encore plus marquée dans le bassin minier du Pas-de-Calais, où Marine Le Pen dépasse dans presque tous les cas la barre des 25% de voix, avec un taux d’abstention relativement faible.
Chose impensable il y a encore quelques années, le Front National arrive en tête dans une trentaine de villes du bassin minier:
Hénin-Beaumont, Montigny-en-Gohelle, Drocourt, Rouvroy, Noyelles-Godault, Dourges, Harnes, Annay, Fouquières-les-Lens, Billy-Montigny, Courcelles-les-Lens, Evin-Malmaison, Mericourt, Bois-Bernard, Vendin-le-viel, Pont-à-Vendin, Estevelles, Bénifontaine, Meurchin, Wingles, Douvrin, Haisnes, Auchy-les-Mines, Vermelles, Mazingarbe, Grenay, Hersin-Coupigny…
Ces villes, administrées par des maires de gauche depuis des décennies, font partie d’une zone urbaine où l’habitat ouvrier est très concentré. Et c’est précisément là que le Front National a fait un carton…
Steeve Briois, secrétaire général du FN, a ainsi déclaré à la Voix du Nord : « Nos plus gros scores, on les fait dans les soi-disant « fiefs » de Mélenchon« .
Les dirigeants et les cadres du Front National sont en général des bourgeois, mais leur implantation dans la région vise spécialement les ouvrierEs.
Nous n’avons pas de chiffres précis au niveau local, mais il est incontestable que beaucoup d’ouvriers (actifs ou chomeurs, des hommes en majorité) ont voté pour Marine Le Pen.
Vote Le Pen et vote Hollande
On peut constater que le vote Front National a été le plus fort à Hénin-Beaumont et environs. C’était prévisible puisque c’est la zone principale d’intervention du Front National (même si on ne peut pas réellement parler d’activisme autre que médiatique).
Cette tendance est aussi en train de gagner l’ouest du bassin minier (autour de Bruay-La Buissière), même si le phénomène est moins marqué à première vue.
Marine Le Pen est arrivée en tête presque partout en périphérie de l’agglomération lensoise : on voit que le vote FN le plus concentré décrit un arc-de-cercle autour de la « capitale du bassin minier ».
Si le centre de l’aggomération lensoise a relativement « échappé » au raz-de-marée du Front National, c’est pour 3 raisons intrinsèquement liées:
– un tendance générale au vote Hollande dans le centre des zones urbaines où la classe moyenne est plus concentrée. Si toutes les petites villes du bassin minier ne formaient qu’une ville de 300 000 habitants, Lens et Liévin en seraient le centre-ville.
– un fort clientélisme lié au Parti socialiste, dont nous avions déjà parlé, qui a assuré à François Hollande des scores confortables (35% à Lens, 38% à Liévin).
– un isolement plus grand en périphérie. Si on se trouve en bordure du bassin minier et qu’on cherche un peu d’animation, des commerces, des choses à faire, bref de la lumière et un peu de foule, il faut être mobile. Mais dans une cité minière, quelques kilomètres suffisent parfois pour avoir l’impression d’être « au bout du monde »…
Les projets de la bourgeoise locale ne font qu’accentuer ce sentiment d’isolement et d’abandon très répandu dans la population du bassin minier.
Derrière les projets de « rénovation urbaine » et du « Louvre-Lens », on sent bien une volonté de repousser la misère loin du centre. Le maire de Lens, Guy Delcourt a même déclaré en conseil municipal vouloir faire de Lens une ville « où les femmes de cadres ne s’ennuient pas« …
Organiser la résistance antifasciste
Un demi million de votes FN, dans une région de 4 millions d’habitants.
Parmi ce demi-million, beaucoup d’ouvrier-e-s et d’employé-e-s.
Quand le Font National fait de tels scores auprès des populations les plus touchées par la crise du capitalisme… Quand on vient d’un milieu ouvrier et qu’on a dans sa famille un oncle, un cousin, une sœur ou un conjoint qui a voté FN… Il n’est pas possible de dire que les ouvriers qui votent FN « sont tous des cons » ou « qu’ils regardent trop TF1 ».
Non, cela veut dire que la démagogie fasciste du Front National devient vraiment crédible aux yeux de la classe ouvrière en France. Le fascisme est un mouvement, avec une dynamique propre, et cela fait bien longtemps que le vote ouvrier pour le FN n’est pas un simple « vote de protestation ».
C’est grave, très grave et c’est un changement historique important, nous rentrons dans une époque où les divisions au sein du peuple sont de plus en plus exacerbées.
En réaction aux coups portés par la crise du capitalisme, par une absence de perspectives, le repli nationaliste / identitaire apparait comme la solution la plus évidente, la plus à portée de main.
Il faut bien comprendre ce phénomène qu’est la montée du fascisme en milieu ouvrier, pour se donner les moyens de le combattre véritablement.
Car la solution alternative à la démagogie du Front National n’est pas simple, mais alors pas du tout.
Dénoncer le fascisme ne suffira pas à le faire reculer, il faut se donner comme tâche de faire ce que les fascistes ne font pas :
Quand les fascistes diffusent des idées réactionnaires dans le peuple, il nous faut au contraire diffuser une culture progressiste.
Là où les fascistes créent la division par le haut, il nous faut chercher à reconstruire une unité à la base, cela demande un travail lent et patient, et surtout de la modestie et une bonne connaissance du terrain.
Et là où le fascisme promet que « tout va changer pour que rien ne change », tout en amenant la barbarie, il nous faut avoir véritable un projet de société, qui ne laisse personne sur le bord de la route.