Trouvé par terre dans une rue d’Arras, le bulletin «La Griffe», trimestriel édité par l’AGRIF (Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l’Identité Française et Chrétienne).
Qui est derrière l’AGRIF?
L’AGRIF a été fondée en 1984 par Bernard Antony, un ancien du Front National, de tendance catholique traditionnaliste, dont le fief se trouve dans le Tarn (81). Il est actuellement toujours président de l’association. Bernard Antony a «pris ses distances» avec le FN depuis 2006, et offre son soutien à Carl Lang du Parti de la France. Mais l’échiquier politique de l’extrême-droite étant en perpétuelle recomposition, il semblerait que Bernard Antony lorgne actuellement vers la Ligue du Sud…
Que fait l’AGRIF?
Pour faire bref : elle fait des poursuites en justice, c’est sa grande spécialité. L’AGRIF intente des procès à tous ceux dont elle estime qu’ils portent préjudice au catholicisme, aux chrétiens et aux « bonnes mœurs ». Pour ce faire, elle bénéficie d’un réseau d’avocats, dont Wallerand de Saint-Just qui est aussi l’avocat du FN et de Brigitte Bardot, et vice-présient du FN. L’AGRIF est très souvent déboutée lors de ses procès, mais elle a notamment obtenu, par exemple, la condamnation de Hard Rock Magazine pour «délit de provocation à la haine à l’égard de la communauté chrétienne et appel à la haine antifrançaise».
On trouvera un résumé assez complet sur l’AGRIF ici (thank you Wikipédia!)
Mais alors l’AGRIF n’a pas l’air très dangereuse! Elle semble mener un combat d’arrière-garde de tendance ″catho-tradi″…
Ce n’est pas si simple. C’est l’AGRIF qui est à l’origine de l’expression «racisme anti-blancs». Cette expression est présente dans ses textes fondateurs, elle date d’il y a plus de 25 ans. Pour faire bonne figure, l’AGRIF prétend également combattre toutes les autres formes de racisme… Pendant longtemps, ça n’a pas fait mouche, car il était évident que la lutte contre le « racisme anti-blanc » et le « racisme anti-chrétien » n’était qu’un prétexte pour introduire des valeurs fascistes dans les procédures judiciaires, en créant de la jurisprudence.
Seulement voilà : l’AGRIF se trouve un nouveau souffle en adoptant une nouvelle stratégie. Habituée à intenter des procès de façon unilatérale, l’AGRIF semble désormais utiliser la défense des victimes comme prétexte à l’attaque, en exploitant au maximum les agressions à caractère raciste commises contre des personnes blanches : elle va trouver ces personnes et leur propose de les représenter au tribunal, comme cela a été le cas récemment à Perpignan (voir ce communiqué explicite sur le blog de Bernard Anthony).
On peut imaginer que ces personnes soient choquées par l’agression qu’elles ont subies, et qu’elles acceptent volontiers cette aide juridique tombée du ciel, sans réaliser qu’elles sont utilisées pour servir des intérêts qui les dépassent. On reconnait volontiers que ces personnes sont agressées parce qu’elles sont blanches, et donc qu’elles sont des victimes du racisme. Il serait stupide de le nier.
Alors comment critiquer l’AGRIF?
Il ne faut pas se tromper de débat : ce n’est pas « le racisme anti-blanc existe-t-il, oui ou non ? ». L’enjeu c’est de comprendre les mécanismes de ce racisme, de savoir quelle est sa place, et de le combattre, comme toutes les formes de racisme. Et aussi de poser les bonnes questions: le « racisme anti-blanc » est-il un racisme institutionnalisé? Un racisme d’état? En d’autres termes, y’a-t-il un préjudice contre des personnes qui veulent trouver un travail, un logement, parce qu’elles sont blanches? Demande-t-on à des personnes blanches, avec un nom qui sonne bien français, de prouver leur nationalité française avec d’autres papiers qu’une carte d’identité? La réalité a tranché : c’est non.
Le racisme que subissent les personnes issues de l’immigration, y compris celles qui n’ont jamais connu d’autres pays que la France, est par contre organique à l’état français et à l’impérialisme français. C’est un racisme institutionnalisé. Les statistiques sont là pour prouver que les discriminations à l’embauche sont une réalité, pour les personnes dont le nom ne sonne pas assez français.
Cela veut-il dire que certains actes racistes sont plus graves que d’autres?
Non ! Les agressions racistes, quelles que soient la couleur de peau, les origines, la culture de la personne agressée, sont toutes à condamner de manière inflexible. Il n’y a pas à établir de hiérarchie entre les agressions racistes.
Et ce n’est qu’après avoir clairement affirmé cela, que nous pouvons critiquer intelligemment le sale travail que fait l’AGRIF. Cette association veut nous faire croire que le racisme « anti-blanc », « anti-français » ou encore « anti-chrétien » (dans le cas de l’AGRIF, ces trois termes sont pratiquement interchangeables) est une tendance principale, alors que c’est une contradiction secondaire. Elle veut peindre l’image d’une France « cernée par les barbares », et construire de toutes pièces une identité « blanche » qui irait naturellement de pair avec une culture « française » et « chrétienne ».
Donc où est le problème avec l’expression « racisme anti-blanc »?
C’est que l’AGRIF, qui a proposé ce terme pour la première fois il y a plus de 25 ans, s’invente une définition-type de la personne blanche, qui serait par essence de « culture chrétienne » et dont l’identité serait « française », en mettant cette appartenance au dessus des multiples réalités vécues, et en niant la réalité des classes sociales.
D’autres personnes utilisent l’expression « racisme anti-blanc » sans avoir les mêmes arrière-pensées que l’AGRIF. Mais l’AGRIF en profite pour faire sa publicité : suite à l’agression à Perpignan mentionnée plus haut, le MRAP66 avait publié un communiqué où il était fait mention de « racisme anti-blanc », avec les guillemets. L’AGRIF a aussitôt saisi l’occasion pour s’exclamer : « le MRAP rejoint l’AGRIF ! », et «le MRAP, pour la première fois de son histoire, découvre l’existence du racisme anti-blanc avec 25 ans de retard sur l’AGRIF .» Bien entendu, le MRAP66 n’a jamais cherché à abonder dans le sens de l’AGRIF dans cette affaire. Mais sa réaction a été trop tardive aux yeux de l’AGRIF, qui exploite à fond la moindre faille, le moindre malaise chez les militants antiracistes qui hésitent à dénoncer des actes racistes visant des personnes blanches.
Quelle attitude adopter, alors?
Toutes les luttes contre une oppression sont récupérables par les fascistes, absolument toutes…
Sauf si ces luttes contre une oppression deviennent une lutte contre toutes les oppressions.
C’est la seule façon de se prémunir contre la récupération et la fascisation de valeurs progressistes.
Si nous ne faisons pas cela, notre tolérance à l’égard de certaines formes d’oppressions aura pour effet de monter nos faiblesses les unes contre les autres. Différentes formes de racisme s’opposeront l’une à l’autre, alors que toutes les formes de racisme devraient être combattues de façon identique. Les luttes contre le sexisme, contre le racisme, et contre le capitalisme qui jette tant de monde dans la misère, se retrouveront en compétition les unes avec les autres, alors qu’elles doivent être menées au coude à coude.
antiracisme, antisexisme et anticapitalisme sont des valeurs indissociables, si l’on est pour le progrès, et contre le fascisme!