Gastronomie française, discours indentitaire et idéologie de la réaction : sixième partie

par Comité de Vigilance Antifasciste 62

En novembre dernier, l’Unesco a inscrit le «repas gastronomique des français» au patrimoine immatériel de l’humanité. Une fête de la gastronomie française devrait désormais être « célébrée » tous les 23 septembre. Alors nous nous posons ces questions : quel repas, quels «français», quelle humanité, au juste? Voici une occasion de nous intéresser à ce qu’on appelle la «gastronomie française»…

Aimer cuisiner, une spécificité française?

Dans les parties précédentes nous avons exploré la dimension réactionnaire du discours gastronomique, et exposé les idées fascistes du principal « ambassadeur » de la gastronomie française à l’UNESCO, Jean-Robert Pitte. Mais parallèlement à tout ce lavage de cerveau gastronomique, il existe un engouement populaire réel pour la cuisine : beaucoup de gens aiment discuter du repas qu’ils  vont préparer, et prennent du plaisir à échanger des conseils et des recettes. Cet enthousiasme n’a rien de typiquement français, il se retrouve un peu partout sur le globe.

Pourquoi? Parce que la cuisine est une activité emblématique de la créativité humaine, qui est capable de concilier besoins vitaux et ressources disponibles,  et de dépasser ces données matérielles en y ajoutant des éléments de plaisir et de sociabilité. La cuisine est un moyen de ressentir une satisfaction que nous avons rarement l’occasion d’éprouver dans nos vies, dans notre travail : la satisfaction d’agir sur la matière, avec l’aide de nos mains et de notre cerveau, pour obtenir un résultat tangible que l’on peut partager avec les autres. Cet intérêt populaire pour la cuisine augmente, au fur et à mesure que diminuent les possibilités d’exercer notre créativité ailleurs : au travail, dans la sphère publique… Aimer préparer à manger, agir sur la matière pour améliorer notre quotidien, n’est pas la marque d’une identité française, c’est le signe distinctif des humains!

« Retournez à vos fourneaux »

Mais tout le battage médiatique qui entretient cet intérêt populaire pour la cuisine, est aussi un encouragement à rester dans la sphère domestique, à se replier dans la sphère privée.  « Le bonheur est dans la cuisine», « Le fond de l’air est rose saumon», « Retournez à vos fourneaux!» pourraient être les titres des prochains programmes télés à thème… Comme s’il fallait oublier le vaste monde. Chacun se replie sur soi et s’occupe de sa petite famille, semblent nous murmurer les émissions de cuisine (et de bricolage, décoration, jardinage, relooking, éducation des enfants, ménage…). Comme si la société n’existait pas, comme si l’alimentation n’était pas le reflet de rapports sociaux de production…

Des émissions de divertissement comme « Un diner presque parfait», « Oui Chef» etc… exacerbent des valeurs capitalistes et bourgeoises : compétition, arrogance et sélection.  Dans « Un diner presque parfait», les participants sont encouragés à se critiquer les uns les autres dans une lutte sans merci pour remporter la première place. Les plats les plus simples prennent des noms ridicules et sophistiqués. (pour Envolée Forestière, il faut comprendre poulet aux champignons…)

Dans « Oui Chef», 15 jeunes « défavorisés » triés sur le volet ont été formés au métier de cuisinier, et sont partis travailler dans de « grands restaurants ». Quel immense honneur pour ces jeunes prolétaires! La boite de production de l’émission a bien sûr tiré grand profit de ce geste charitable.

Jean-Pierre Coffe fait éclater au grand jour les contradictions du discours culinaire français

Moralisation à l’égard des classes populaires

Bien sûr ces tractopelles d’émissions à thème s’accompagnent d’une forte moralisation des classes populaires. Les « grands chefs » et autres gastronomes nous dictent l’impossible. Dans une émission de radio pour adolescents, Cyril Lignac donne des conseils absurdes :

« Je veux pas diaboliser, on peut manger des frites, on peut manger des hamburgers, mais quand on en mange, on le fait bon et on le fait maison! » […] « Il est du devoir de chacun de trouver la bonne solution, on dit que les produits de saison c’est cher, mais c’est souvent une fausse excuse. »

Non c’est impossible, on ne peut pas préparer des repas savoureux et équilibrés, donner le meilleur à ses enfants, et en même temps acheter avec un petit budget des produits locaux, de qualité et respectueux de la nature!! De plus, ces aliments de qualité sont des « niches commerciales » non destinés à une consommation de masse, la généralisation de leur production étant absolument incompatible avec le mode de production capitaliste.

Le peuple mérite le meilleur, alors n’écoutons pas tous ces « spécialistes » : ils ne peuvent que proposer de fausses solutions, car leur discours est idéaliste et réactionnaire. Ils croulent sous le poids de leurs contradictions.

Pour imaginer la cuisine de demain, il faut regarder le système de production alimentaire dans son ensemble, et à l’échelle planétaire : agriculture, transports, pétrochimie, agroalimentaire, distribution… Sinon il est impossible de comprendre quoi que ce soit.

To be continued…

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